Dire qu’il n’y a pas d’ alternative à Assad est absurde #Syrie

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Cet article est la traduction de l’excellent article « There is a clear alternative to Assad. To say otherwise is nonsense. »  par Rime Allaf paru http://www.middleeasteye.net le 4 mai 2017. You can find it below.

Il y a une alternative claire à Assad. Dire le contraire est absurde. L’opposition syrienne et la société civile réclament des changements depuis des décennies et elles ont clairement fait comprendre ce qu’elles voulaient. Mais est-ce qu’on les écoute?

L’un des clichés les plus anciens, les plus constants et les plus blessants à propos de la Syrie qu’on entend est le suivant : « Il n’y a pas d’alternative à Assad »

Que les loyalistes du régime affirmeraient un tel non-sens n’est pas surprenant. Mais lorsque les gouvernements divers et que les médias traditionnels répètent ce cliché jusqu’à n’en plus finir cela devient grotesque, surtout lorsqu’on sait que des millions de syriens ont payé le prix ultime pour avoir montré leur désaccord.

Les Syriens devraient-ils être traités comme des mineurs, à réciter des lignes comme un perroquet à l’unisson et montrer un comportement exemplaire avant qu’ils puissent être considérés comme faisant partie d’une alternative à un régime génocidaire?

L’opposition syrienne n’a pas apparu par magie en 2011. Depuis des décennies, des mouvements de la société civile ont tenté d’établir un dialogue et de demander des changements, même s’ils savaient très bien comment ce régime, notoirement brutal, était susceptible de réagir.

En effet, une grande partie des evénéments de la première décennie du règne de Bachar Assad n’était qu’un précurseur de la façon par laquelle la plus importante opposition d’aujourd’hui se constituerait, parce que bien longtemps avant la Révolution Syrienne, il y a eu un Printemps de Damas.

La Menace des Stylos.

Les Syriens ont toujours eu le droit de garder le silence, car ils savaient que toute parole pourrait et serait utilisée contre eux, pas seulement pendant des années répressives 80 et 90, mais au tournant du siècle quand le régime syrien s’est haussé à un nouveau niveau, devenant la première république héréditaire de l’ère moderne.

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Bachar al-Assad salue les partisans alors qu’il marche derrière le cercueil de son père, le président syrien Hafez al-Assad, lors de ses funérailles à Damas le 13 juin 2000 (AFP)

Le 10 juin 2000 – le jour ou « le chef éternel » est mort- un Parlement de laquais  a changé la constitution en quelques minutes pour proclamer: « Assad est mort, vive Assad ». Cet héritage flagrant et formalisé du pouvoir n’a laissé aucune place pour manœuvrer. Cependant, l’activisme de la société civile a persévéré néanmoins.

En septembre 2000, 99  intellectuels, écrivains et artistes syriens ont publié « La Déclaration des 99s », une lettre ouverte au régime, sobre et pourtant incroyablement audacieuse, où on demandait plus de libertés. Elle était publiée dans « Al Hayat » et distribuée discrètement par des syriens stupéfaits. Elle était ignorée par Assad tandis que beaucoup de ces 99 syriens se sont retrouvés invités pour des tasses de café tristement célèbres dans les bâtiments de renseignement.

Pourtant, cet avertissement ne les a pas dissuadés, et ils ont écrit une déclaration encore plus audacieuse sous le nom de : « Document de Base« , cette fois-ci signé par 1 000 syriens en janvier 2001. Les revendications étaient déjà formulées en 2001 autour des bases d’un système plus démocratique et pluraliste, comprenant les libertés d’expression et d’assemblée, des pratiques démocratiques, les élections libres, la libération des détenus politiques, l’égalité des citoyens et l’indépendance de la magistrature.

Ce document peut paraître banal dans le contexte d’aujourd’hui, alors que c’était un phénomène à ce moment là, et la preuve d’une maturité politique en progrès. Et comme d’habitude, leurs stylos représentaient une menace pour le régime, et dans un entretien avec « Asharq Alawsat » quelques semaines plus tard, Assad affirmait que ces signataires se prenaient pour des élites alors qu’ils ne représentaient personne, et qu’ils étaient soit des nigauds soit des agents étrangers qui voulaient nuire aux intérêts du pays, un leitmotiv dont il n’a jamais dévié.

Les «nigauds» et les «agents étrangers» ont osé continuer avec la publication du «Contrat Social National» en avril 2001, mais Bachar al Assad étouffait déjà le Printemps de Damas, en fermant les forums de la société civile et en jetant des dissidents bien connus en prison pour «menace à la sécurité de l’État».

Après une relative période de tranquillité lors de l’invasion de l’Irak, avec un état d’alerte palpable du régime dans toute la Syrie, l’opposition a démontré sa ténacité de nouveau avec sa « Déclaration de Damas » d’octobre 2005, signée par plus de 250 personnalités dont plusieurs ont fini en prison.

Lorsque des centaines et des centaines ont signé la courageuse « Déclaration de Beyrouth-Damas » de mai 2006, au moment où les dissidents étaient emprisonnés à Damas et assassinés à Beyrouth, la colère du régime s’est déchaînée de toute sa force sur ceux qui ont osé mettre en doute son autoritarisme en Syrie et au-delà.

Il serait difficile de ne pas les trouver.

Ces événements, et beaucoup d’autres détails de l’activisme syrien sérieux au fil des ans, ont été soit oubliés soit ignorés lors des discussions des difficultés rencontrées par l’opposition lorsqu’elle tente aujourd’hui de mettre en place des changements dans des circonstances les plus difficiles. Et pire encore, on affirme souvent aujourd’hui que «nous ne savons pas ce que l’opposition représente» ou que « ses engagements envers la démocratie et le pluralisme ne sont pas clairs ».

Pourtant, c’étaient ces mêmes membres de l’opposition, rejoints maintenant par une nouvelle génération de blogueurs, de militants et de révolutionnaires, qui ont contribué à porter la voix du soulèvement à ceux qui étaient disposés à l’écouter en 2011, et dont les nombreuses déclarations et de positions sont facilement accessibles à tous ceux qui souhaiteraient les lire.

Le « Document du Caire » du juillet 2012, était le premier et le plus important document depuis le début du soulèvement sur lequel la plupart des syriens de l’opposition étaient d’accord. D’une manière globale, il répétait ce que les activistes syriens réclamaient depuis des années, dans des conditions très différentes: la démocratie, le pluralisme, l’égalité, la bonne gouvernance et tout le reste…

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La Conférence de l’Opposition Syrienne au Caire en juillet 2012 (AFP)

D’autres itérations de tous ces principes et les grandes lignes de plans de transition ont été publiées à diverses étapes du soulèvement par de différents groupes officiels. Pour n’en citer que quelques-unes, la Coalition Syrienne a publié, en février 2014, les «Principes Fondamentaux d’un Règlement Politique» et le Haut Comité des Négociations a publié « Un Plan de Transition » en septembre 2016.

Ces documents, parmi d’autres, ont été distribués inlassablement aux syriens, envoyés aux fonctionnaires des Nations Unies et aux gouvernements, et distribués par les médias traditionnels et des réseaux sociaux. Il faudrait vraiment être de mauvaise foi de ne pas les trouver – ou de ne pas trouver la multitude de principes et de positions non plus qui ont été publiée par des groupes de la société civile de plus en plus actifs, manifestant un sens de savoir faire et d’engagement.

Fausse Logique.

Alors que se poursuit la lutte civile et politique de l’opposition syrienne depuis des décennies, une amélioration est souhaitable, à la fois, de la planification et le consensus, et les accusations d’une manque d’unité et de cohésion, même de la part des partisans exaspérés, sont fréquentes..

Mais les Syriens n’ont jamais voulu remplacer le régime par un autre, en échangeant un ensemble de leaders avec une alliance faite sur mesure censée cocher toutes les cases; le but essentiel de leur lutte, aussi idéaliste que cela puisse paraître, était une transition vers un système équitable et participatif, et non pas un changement de régime.

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Le 16 juillet 2014, le président syrien Bachar al-Assad prête serment pour un nouveau mandat de sept ans, lors d’une cérémonie au Palais présidentiel de Damas (AFP)

Lorsqu’on observe la vie politique dans n’importe quel sénat ou parlement digne de son nom, on se rend compte que la démocratie peut être chaotique, bruyante, contradictoire et, parfois, exaspérante. Ce n’est que récemment que les syriens ont trouvé une place publique pour exprimer leurs similitudes et leurs différences. Est-ce pour autant que les Syriens devraient-ils être traités comme des mineurs, à réciter des lignes comme un perroquet à l’unisson et montrer un comportement exemplaire avant qu’ils puissent être considérés comme faisant partie d’une alternative à un régime génocidaire?

L’opposition syrienne et des groupes de la société civile sont déjà d’accord sur les questions fondamentales et se sont déjà engagés pour une transition vers la démocratie, comme ils l’ont écrit et déclaré à maintes reprises, une transition qui prendrait en considération l’intégration et  l’adaptation des institutions actuelles de l’état dans un nouveau système de gouvernance auquel ils aspirent. D’exiger beaucoup plus des syriens à ce stade n’a aucun sens, et ne les épargnera pas de l’horreur constante.

Il y a une multitude de raisons qui pourrait expliquer pourquoi une transition n’a pas encore été approuvée par ceux qui contrôlent la situation, mais ce n’est certainement pas parce qu’il n’y a pas d’alternatives à Assad, et ce n’est certainement pas parce que personne ne connaît les aspirations de l’opposition.

 

You can find the original article by Rime Allaf in English here:

There is a clear alternative to Assad. To say otherwise is nonsense. Syria’s Opposition and civil society- which have demanded change for decades – have made it clear what it wants. Are we listening? 

http://www.middleeasteye.net/columns/syrian-opposition-has-always-been-clear-1124183845#sthash.WNbV1c6x.uxfs

 

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